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UN SOUVENIR DE PRAGUE, de la part de Regis lors du séjour de la chorale en décembre 2000

A peine posé le pied sur ce sol étranger, nous écoutions courir quelques notes composées cueillies au vol sur ce piano à queue. Gilles nous enveloppa dans ses douces berceuses et la lune elle-même ne put fermer un oeil. Il fallut bien pourtant se résoudre à dormir, et dans le coeur de cette pyramide, les pharaons de la musique ronflèrent à poings fermés.

Au matin du premier jour, les plateaux luxuriants du petit déjeuner aiguisaient déjà l'appétit : du pain parsemé de pavot à la saucisse naissant de son chou, tout invitait à la rêverie de l'estomac.

Suivons donc à présent nos guides, Radka et Monika, à travers les rues presque désertes et pavées du haut quartier de Hradcany. Le château, grandiose forteresse, est une ville à lui tout seul : on ne sait où il débute ni quand il s'achève.

 

Les places sont arpentées par des balayeurs ennuyés : à neuf heures du matin il n'y a déjà plus un papier. Pourtant ils continuent à frotter. Voilà pourquoi les pavés sont tant lustrés. Toutes les façades sont coloriées, en rouge, en jaune, parsemées de pilastres blancs.

Pénétrons dans la cathédrale et laissons-nous éclairer par Mucha, qui distille la lumière à travers ces pieuses transparences...

Et nous dégringolons, en passant par la ruelle dorée, où planent les légendaires alchimistes, dans les vapeurs des chaudrons magiques au fond desquels sommeille la potion qui pique.

En bas c'est la ville basse, où tous les gens tombés s'amassent, touristes en goguette ou chorales en fête. Les ruelles tortueuses virent de droite et de gauche et la foule onduleuse se font dans leurs méandres.

Et soudain.

L'horizon s'ouvre sur une place bordée d'édifices aux allures de palais, que coiffent les tours d'églises innombrables et l'horloge astronomique, peut-être en panne depuis 500 ans puisque personne ne parvient à y lire l'heure tant il y a d'aiguilles et de cadrans. Les apôtres ne nous saluent qu'une fois l'heure, automates d'une pathétique farandole entraînée par la Mort. Des bandes de cabanons à chapeau pointu s'alignent en rangs serrés. Dans chacun d'eux un habitant vous invite à acheter ses cadeaux. Quelques carpes de Noël barbotent dans des étangs en plastique. Les flocons vous disent que c'est Noël et que Paris est loin...

Au travail à présent ! Répétition générale...pendant que Jean-Claude joue au coup de "j'ai perdu mon chemin" et en profite pour visiter les terminus de tramways.

Et voici devant nous la belle salle Hlahol, au public conquis car venu avec nous. Et tandis que s'estompent les clameurs transalpines, voici qu'on nous annonce...André Sala Bouli ! Détendant l'atmosphère d'un trait inattendu, elle nous permit de faire une prestation chouette. Coincés entre deux tranches de chanteurs italiens, nous formions le coeur d'un joyeux panini. Les tchèques nous avaient réservé, pour le dessert une de leurs viennoiseries : une très belle messe, enlevée, dynamique, servie par un orchestre jouant comme un seul homme. En guise de bis, tous ensemble en canon, avons chanté l'Alleluia de Boyce, face au très expressif chef tchèque, sans aucun doute petit frère de Walter.

Après cet en-cas, il fallut bien s'emplir d'un vrai repas. Ce n'est point chose facile car à 21 h, nombre de restaurants ont déjà baissé le rideau. Par petits groupes intimes ou bandes de joyeux ripailleurs, nous nous dispersâmes pour finalement tous trouver une place assise. Pour ma part, nous étions dix, venus de tous pupitres, et cela ne pouvait se terminer qu'avec un tourdion, visiblement apprécié des quelques praguois noctambules attablés, tandis que la serveuse, habilement, nous distribuait force sirop pour désaltérer nos gosiers asséchés.

A Prague le dimanche, il est recommandé de mettre sa ceinture quand on prend le tramway : les conducteurs s'amusent à balader les touristes d'une fenêtre à l'autre en prenant les virages quasiment sur deux roues. Mais le sport a ses limites, et quand monte la fumée et l'odeur du caoutchouc qui brûle, tout le monde descend ! ? Pas pour longtemps : deux ou trois coups dans le frein récalcitrant qui s'est collé sur le pneu, et on repart pour de nouvelles aventures !

Laissons nous porter par la joyeuse pente de Mala Strana, où l'on s'égare parmi les bizuteries vous initiant à la découverte des colliers d'ambre ou de grenat. Et là, au ciel de cette échoppe, volent des sorcières dans un ballet de balais, et tourbillonnent les pantins. Cette église nous ouvre ses portes. Asseyons-nous quelques instants pour y contempler anges dorés, colonnes torsadées sous un ciel prisonnier de piliers voûtés sous le poids des nuages. Saint Nicolas est là, gigantesque, à la démesure baroque du lieu.

Au hasard des rues, voici John Lennon au milieu des fleurs et des slogans Flower Power, et de la foule qui lentement s'étoffe naissent des hommes et femmes pancartes vantant Bach, Mozart ou Vivaldi.

Nous revoici sur la grand'place, mais face au dos de la scène, quelques secondes avant de nous retrouver dans ce grand paquet cadeau recouvert de papier d'argent, où les passants nous contemplent avant de reprendre leur ronde. Quel spectacle autant pour nous, qui embrassions du regard toute la place, ses palais, son horloge ! Le froid n'avait plus prise sur nos pensées émues. Les trémolos pourtant venaient plus facilement. Le public attaché à nos lèvres tremblantes applaudit des deux gants, silencieux encouragements. Les oreilles se tendirent quand la frêle Isabelle, au micro entonna son solo.

Mais de bis il n'y eut point

C'est autour d'un vin chaud

Que se blottirent nos mains

Sortant de ce frigo

Et sous l'Horloge encore

Faisions notre Mignonne

Mais sitôt nos voix tues

D'autres soudain s'élèvent

Mélodies polonaises

Qui toutes impromptues

Qu'elles fussent

N'en étaient pas moins belles

Et nous qu'avons-nous fait ?

Repartant de plus belle

Nous leur fîmes réponse

Nous serions bien restés jusqu'au bout de la nuit, renvoyant nos échos aux faces des palais

Prague la musicale nous avait envoûtés.

Régis.

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